Facebook ou les nouvelles compagnies des indes

Facebook ou les nouvelles compagnies des indes

L’engouement suscité par les récentes annonces de Facebook sur le lancement de sa crypto-monnaie et la levée de boucliers des institutions qui s’en est suivie nous interrogent.
Premier d’une série de 3 articles sur le Libra et ses conséquences, nous nous intéresserons ici à la puissance des nouveaux géants du web.

L’apparition du marché mondial qu’est internet place depuis 20 ans l’économie du numérique au coeur de la création de richesse. En moins de deux décennies nous avons vu naître des géants qui, compte tenu de leur influence colossale (2,4 milliard d’utilisateurs pour Facebook) sont en passe de disrupter tous les secteurs, à commencer par celui des services financiers avec la démocratisation de la technologie blockchain.
Même si avec sa crypto Libra, Facebook n’entend pas frapper une monnaie au sens propre, le fait qu’il puisse permettre de s’affranchir en partie du système bancaire traditionnel marque un point de rupture.
Impuissant et démunis, le régulateur ne semble que pouvoir freiner un processus déjà entamé et inévitable. Comme au XVIe siècle avec les “compagnies des indes”, la puissance du secteur privé concurrence ici directement l’Etat sur ses prérogatives régaliennes.

# Les nouvelles compagnies des indes

Nées au XVIe siècle et permises par l’essor du commerce colonial, les compagnies commerciales sont considérées par beaucoup comme les premières multinationales.
L’une des plus célèbres, la compagnie néerlandaise des Indes orientales restera pendant plus de deux siècles, avant de faire subitement faillite, l’une des entreprises les plus influentes ayant jamais existé.
Véritable Etat dans l’Etat, la compagnie était si puissante qu’elle disposait dans ses comptoirs des principales fonctions régaliennes (police, défense, justice). La compagnie émettait même ses propres pièce de monnaies.


Peut on sans ironie oser faire un parallèle entre l’essor de la compagnie des indes au 17e siècle et l’hégémonie grandissante des géants du numérique à laquelle nous assistons et qui construisent eux aussi leurs empires sur des territoires encore vierges et inexplorés où les États n’ont que peu de prises.

L’apparition d’internet a littéralement permis l’émergence d’un marché mondiale. On estimait en 2018 que près de la moitié de l’humanité était désormais connecté.

Les faibles barrières à l’entrée de ce “marché mondial” expliquent en partie comment notre économie capitaliste a changé de visage en si peu de temps – contrairement au secteur nucléaire où le coût d’entré sur la marché est élevé, internet a vu naître des géants multimilliardaires, créés dans un garage avec un capital de départ de quelques milliers de dollars.

L’évolution ci dessous du top 10 des capitalisations boursières mondiales de 1997 à 2019 témoigne de ces changements structurels.
Aujourd’hui la création de richesse est principalement concentrée dans le secteur numérique.
La part des géants de la tech au second trimestre 2019 dans le top 10 des capitalisations boursières mondiale était de 87% contre seulement 10% en 2009!

Nous n’évoquerons pas ici le duopole déjà bien établi US/Chine sur l’économie numérique.
Compte tenu de la valeur ajouté que va générer le développement de l’IA et de l’avantage dont bénéficient les GAFAMI/BATX dans ce domaine, il y a fort à parier qu’ils confortent leur position dominante dans les années qui viennent.
On notera pour finir, outre le déclin du secteur énergétique au profit du secteur numérique, l’effacement progressif du secteur bancaire dans ce top 10.

 

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